Soubrobotte : quand le désir en coupe coupe le désir

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Initialement connu pour ses recherches sur l’intelligence artificielle appliquées aux jeux d’échec ou aux chatbots, David Levy jouit d’une notoriété bien plus grande encore depuis la publication, en 2007, d’un ouvrage intitulé « Love and sex with robots », dans lequel il prévoit que les relations sexuelles entre les humains et les robots devraient advenir et se généraliser dans un futur proche (http://www.theguardian.com/technology/2009/sep/16/sex-robots-david-levy-loebner). Et de fait, les progrès de différents secteurs de la recherche appliquée offrent un socle réaliste à ce type de prédiction, qu’il s’agisse de la création d’émotions ou de personnalités artificielles, de la production d’épidermes synthétiques, du réalisme croissant des artefacts humanoïdes notamment. On peut ajouter à cela que les facteurs sociaux eux-mêmes rendent crédibles ce scénario, avec l’augmentation du taux de divorces et des situations de célibat prolongé chez les 18-34 ans, un économiste japonais ayant même proposé d’instituer une taxe pour les individus au physique avenant comme mécanisme incitatif au mariage (http://archive.francesoir.fr/actualite/societe/apon-taxer-les-beaux-celibataires-pour-augmenter-le-nombre-de-mariages-218055.html).

Quoiqu’il en soit, le scénario prospectif de Levy semble avoir inspiré artistes et designers puisqu’un article daté de ce jour met en scène, avec un certain réalisme, l’anatomie intérieure d’une « soubrobotte », robot destiné à un commerce qu’on hésitera à qualifie de charnel, tant le plastique, l’électronique et les éléments mécaniques l’emportent dans cette vue en coupe de la créature.

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http://www.tomsguide.fr/actualite/soubrobotte-robot-sexuel,45945.html

Cette anatomie fonctionnelle en coupe, qui n’invite guère à l’exaltation du désir, prend en quelque sorte à « contre-pied » – ne pas prendre son pied, n’est-ce pas prendre à contre-pied ?! – les thèses défendues par Donna Haraway dans son célèbre manifeste sur les cyborgs et les femmes (nous laisserons de côté les singes qui figurent également en bonne place dans l’ouvrage en question). Si les cyborgs actualisent chez Haraway, par leur nature hybride, la possibilité d’une déconstruction et d’un renversement des rôles assignés et des rapports de domination parce qu’ils « rendent très problématiques les statuts de l’homme, de l’humain, de l’artefact, de la race, de l’entité individuelle ou du corps » (Haraway, Des singes, des cyborgs et des hommes. La réinvention de la nature, Chambon, 2009, p. 315), il est assez visible que la « soubrobotte » s’apparente plus à la machine animée, à un automate destinés à satisfaire le désir phallocentrique, qu’à un cyborg contribuant à déconstruire l’image de la corporéité féminine comme « innée, organique, nécessaire » (Haraway, p. 319).

Dans un article à suivre, je montrerai pourtant comment la sexualité robotique, ou plus exactement les nouvelles formes de compagnonnage sexuels entre humains et robots, contribuent à la déconstruction des tropes sur l’amour, la fidélité, l’émotion et les affects, le plaisir et le désir, et inaugurent une série véritablement troublante d’interrogations juridiques inédites sur la conjugalité.

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