Industrie touristique et recherches scientifiques : des robots dans les musées (4)

Depuis quelques billets, nous avons entrepris de recenser au fil de l’actualité les modes d’existences robotiques au sein des institutions muséales. Une typologie commence à s’esquisser entre les robots-artistes, les robots-commissaires et les robots-médiateurs. Cette dernière catégorie apparaît d’ailleurs comme un champ privilégié d’expérimentations pré-industrielles : en Angleterre, des designers ont imaginé avec l’appui du RAL Space un robot pour visiter en nocturne les galeries de la Tate Britain ; en France la société française AWAbot associée à la société américaine Beam Pro a investit les grands établissements publics culturels (le Grand Palais, la Cité des Sciences, le Musée Gallo-Romain de Lyon) et vient de signer un contrat avec le musée d’art de la ville d’Autun ; toujours en France, la société Droïds Company a conçu un robot pour visiter le château d’Oiron  ; en Italie, le CRAB (Connected Robotics Applications Lab), un laboratoire de Telecom Italia a mis au point le robot Virgil afin de visiter des lieux habituellement inaccessibles du château de Racconigi.

Ces projets rediscutent les dimensions temporelles et spatiales des musées : ils proposent en effet une expérience à distance des lieux de l’art en insistant soit sur la dimension ubiquitaire soit sur la capacité à montrer des lieux inaccessibles pour le grand public en temps normal (heures d’ouverture, collections précieuses…). Ces projets préfigurent donc un nouveau type de tourisme culturel à distance via de nouveaux opérateurs qui feront l’interface entre la location des robots, les offres des musées et la formation de nouveaux médiateurs humains. Mais les lieux de l’art et de la culture sont aussi le terrain propice d’expériences scientifiques en vue de développer les capacités des robots.  C’est le cas du robot Berenson développé par Denis Vidal et Philippe Gaussier dans le cadre de recherches conduites au musée du Quai Branly depuis 2012 :

Le but de ce projet de recherche, en immergeant un robot au sein de notre espace de collections, est non seulement de travailler sur un modèle d’apprentissage de l’émergence d’une forme d’Esthétique Artificielle (EA) dans une machine mais aussi d’interroger d’un point de vue anthropologique le regard que l’on peut porter sur les collections du musée.

Ce robot doit son nom à l’historien de l’art Bernard Berenson, spécialiste de la Renaissance italienne. L’article « Un robot comme personne » publié en 2012 par Denis Vidal et Philippe Gaussier fait le point sur cette recherche et permet notamment de découvrir un formidable documentaire où l’on découvre le robot en action dans les salles du musée du Quai Branly. Un robot amateur d’art dans un lieu d’art va de soi mais la présence d’un robot-infirmier peut interroger. C’est pourtant ce qui s’est passé du 9 au 13 juin 2014 au musée d’histoire naturelle de Londres avec Linda un robot-infirmier qui a vu le jour à l’école d’informatique de l’université de Lincoln.

Linda est conçu pour fonctionner de façon indépendante non seulement pour créer des cartes 3D de sa zone de fonctionnement, mais aussi de les mettre à jour en permanence pour prendre en compte la façon dont elles changent. En étudiant constamment les formes, les gens, et les activités , Linda peut construire des modèles et «apprendre» d’une zone, car il identifie les changements et modifie son comportement pour les prendre en compte*.

La vidéo ci-dessous permet de voir en situation le robot Linda :

Outre la transmission d’un héritage culturel et la fabrication d’une culture commune, le musée est en train de devenir un terrain d’apprentissage et de démonstration des robots. C’est du moins l’intention de Marc Hanheide, le chef de projet du robot Linda :

Nous essayons de permettre aux robots d’apprendre de leur expérience sur du long terme et de leur perception sur le déroulement de leur environnement au fil du temps. Il aura de nombreuses applications possibles et placer Linda dans le Musée d’Histoire Naturelle est une opportunité fantastique pour les gens afin de voir comment les robots comme celui-ci, un jour, pourrait être en mesure d’aider et d’assister les humains dans une variété de tâches. *

Note : les  citations marquées par un * sont extraites de l’article « Le robot Linda va rencontrer le public au musée d’histoire naturelle de Londres » publié sur le site http://www.infohightech.com.

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